par Alessandra Fottorino

Depuis quand ?

Il faut le dire, depuis une poignée d’années, les vins orange ou macérations (car oui il s’agit bien de cela !) ont le vent en poupe ! Effet de mode ? Que nenni ! Ce type de vins existe bien depuis l’antiquité et leurs profils offrent complexité, structure et sont l’occasion de nombreux et originaux accords mets et vins.

Mais le Vingt-Deux étant aventureux, nous nous lançons avec allégresse dans le mystère de leur couleur.

Cette très ancienne tradition vient du Caucase (l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Russie ). Et oui, il y a environ 8000 ans la Géorgie était d’ailleurs un des berceaux de la vigne telle que nous la connaissons. Nous avons découvert qu’ils enterraient leurs vins orange dans des amphores.

Par la suite, l’Italie a imité cet art de production. Aujourd’hui, on trouve des vins orange partout en France.

Leur engouement suscite des passions tant chez les vigneron-onnes que chez les consommateurs.

Notamment avec les superbes Domaines présents au Vingt-Deux : Simon Gastrein – Bonnet Huteau – Le Fief Noir – Sylvie Spielmann – Gauby – YLB – Beck Hartweg – Muster Grafin – Uivo etc.

Comment ?

Mais un vin orange, c’est un vin d’oranges ? Et bien non pardi ! Il s’agit bien d’un vin 100% raisin. J’irai même plus loin en ajoutant que la démarche majoritaire des vigneronnes et vignerons qui les produisent est résolument tournée vers l’agriculture biologique, biodynamique voire nature.

Comment le fabrique-t-on ? Haha ! Il n’est là nulle raison ésotérique mais plutôt d’un savoir-faire ancestral. Une macération est principalement issue de raisins blancs, « alors pourquoi c’est orange ? » allez-vous me dire, attendez quelques instants…

Il s’agit de laisser le jus de raisin, appelé moût, en contact avec la peau, la pulpe et les pépins durant une durée plus ou moins longue, parfois quelques jours, semaines, mois voire des années ! ( et croyez-moi, quelle expérience ! ) Les anglais aiment l’appeler le « Skin-Contact » (On les aime ces anglais !)

On peut également y ajouter les rafles qui amèneront une amertume plus marquée. Sa couleur orangée vient donc de ce contact prolongé. Il n’y a aucun lien avec un vin dit oxydé ou encore liquoreux.

C’est ce que l’on appelle en terme sophistiqué la macération pelliculaire.

Donc, on peut dire que ces blancs sont produits à l’image des vins rouges. On recherche à extraire tout ce qui se trouve dans la peau, les tanins, les phénols, flavones et autres anthocyanes.

Retenez surtout que le but est de conserver toutes les parties dites « solides » et que la couleur orange vient des polyphénols contenus dans les peaux. Vous me suivez ? Ce qui va provoquer de « la mâche dans votre palais ébahi ! »

D’accord et ça goûte quoi ?

A noter donc que le vin orange c’est avant tout un blanc tannique ! Et oui, vous imaginez bien qu’en gardant tous les apports de la peau, le vin sera alors composé d’une structure, plus ou moins puissante selon la méthode choisie par le-la vigneron/onne.

D’une manière générale, on peut noter que les macérations sont beaucoup plus digestes que de nombreux vins blancs dits « conventionnels ». Leur acidité est présente mais bien intégrée, de jolis amers de peau se font sentir au nez comme en bouche et font saliver.

Des épices douces émanent au nez et la bouche est souvent sensuelle avec de la rondeur mais aussi de l’accroche et de la longueur. L’aromatique est alors puissante et souvent persistante. Nous rentrons dans un autre univers de dégustation où il faut ouvrir son esprit, ses papilles et ses chakras. Bienvenue fruits secs, thé, torréfaction, foin coupé, épices, écorces d’agrumes et autres joyeusetés, on découvre ! Et une macération peut en cacher une autre…

Alors, chaque vin orange à sa personnalité bien à lui. Goûtez ! Testez ! C’est le meilleur moyen de trouver le style qui vous conviendra le plus.

Qu’est ce qu’on boit ?

Ainsi, je vous présente quelques unes de ces pépites soigneusement sélectionnées par l’équipe du Vingt-Deux avec des accords à tester sans attendre !

La Vallée Du Rhône

–Hameau Touche Bœuf de Simon Gastrein 2019, cuvée Jupiter (en référence à la plus grande planète du système solaire bien sûr) en direct des coteaux du Parc Naturel du Pilat, tout près de Condrieu ! Composé de Viognier à majorité, Roussanne et Marsanne et une touche de Cugnette, un cépage bien du coin ! Après une quinzaine de jours de macération dans une amphore de terre cuite, le vin laisse place au nez à des fruits secs, de l’abricot confit, des épices, des notes végétales et fraiches, de fleurs et de caramel.

La bouche est ample la présence de tannins se fait sentir et amène une jolie structure et des amers bien maitrisés. Un superbe équilibre !

On la boit avec un Tajine de poulet à l’orange et on se régale !

La Vallée de la Loire

-Direction la région du Muscadet avec l’imposante cuvée Ordolia de Bonnet Huteau 2019 et comme dit le domaine, « Orange is the new white ! ». Il s’agit d’une macération de Pinot Gris de plus d’un mois dans des cuves ovoïdes en terre cuite ( comprendre en forme d’œuf ). Au nez ça balance coté agrumes et écorces d’oranges, fraises des bois et salinité. La bouche est ronde et souple avec une certaine forme de gourmandise. Le tanin est présent et croquant, la finale minérale à souhait.

On la boit avec un plat de gambas sautées à la Thaïlandaise, épicé et chaleureux.

L’Alsace

-Ah l’Alsace ! Région toute désignée de grandes macérations. La Cuvée Beck Hartweg 2019, Granit est une pure pépite en son genre. Une macération plutôt légère et non moins dénuée de caractère. Ici, Riesling, Pinot Noir et Pinos Gris s’allient dans un style très expressif. Le nez offre des notes iodées, d’amandes et d’agrumes. La bouche est nerveuse et pure tout en sapidité. Dangereusement buvable !

On la boit avec un filet de loup grillé aux herbes de Provence !

Le Roussillon

–La Jasse 2020 de Gauby en Côtes Catalanes est une perle rare issue des terroirs de Calce. Macération 100% Muscat avec une majorité Muscat d’Alexandrie complétée par du Muscat Petit-Grain, c’est un bonheur pour les papilles. Maitrise totale, le nez offre une incroyable aromatique salivante de fruits blancs, exotiques et agrumes, de citronnelle, la bouche tendue est subtilement tannique. Surprenante et séduisante, on s’en régale !

On la boit à l’apéritif parce qu’on aime sortir des sentiers battus, mais aussi sur de jolis desserts aux fruits (ananas, pêches de vignes..) Attention, zéro sucre !

Le Portugal

-On change de cap, Olá Portugal ! Voilà un orange qui se boit sans soif, (comprendre bachibouzouk ! ) oui c’est possible ! 100% Moscatel Galego de la magnifique et imperturbable région du Douro, Uivo Curtido est un ovni créé en altitude par Tiago Sampaio. Sa couleur plutôt jaune intense s’ouvre sur un nez concentré de clémentines, lila, rose, la bouche est franche. Bien que légèrement tannique, elle nous amène une vivacité salivante toute en longueur.

On la boit avec une belle charcuterie artisanale mais aussi des sardines grillées.

Alors, convaincu ?

En conclusion, si avec tout cela, vous n’avez pas envie de tenter l’aventure des vins orange, je rends mon tablier !

L’auteure de l’article

Alessandra Fottorino est sommelière formatrice, agente, consultante et auteure. Elle fait partie du Jury vignerons indépendants du dernier magazine Régal et se passionne pour les vins biodynamiques, natures et les vins orange. Alessandra est engagée pour une meilleure visibilité des femmes dans le monde du vin. Elle donne des cours dans de nombreux endroits dont le Vingt-Deux et aime la transmission et l’idée de rendre le vin accessible à toutes et tous. Son premier roman graphique publié par Hachette sera disponible en 2022.